Dignus est entrare. ( Il est digne d'entrer )

Un essaim d'abeilles. Non, cela ne pouvait pas être ça.
Même un essaim d'abeilles n'était pas aussi bruyant. Le roulement du tonnerre en ces jours pluvieux et mornes qui l'avaient accompagné l'hiver durant sa tendre enfance, le bruit des vagues qui viennent se briser avec fracas contre les falaises de Normandie qu'il ne connaîtrait jamais, tout cela lui aurait semblé bien plus agréable à côté de ce qu'il entendait là.

Et puis, il ne sentait plus ses os, son corps.
Où était-il ? Mais qui était-il d'abord ? Le hongre leva ses paupières lourdes de sommeil artificiel ; et ce fut alors l'impression d'exister de nouveau qui l'envahit.

Il s'appelait Hachiko et il avait déjà vécu sept printemps.
Que faisait-il ici ? Quelque chose lui pesait, lui donnait le tournis. Devant ses sombres prunelles dansaient un mélange incohérent de formes et de couleurs, dont il n'aurait su définir la nature.

Finalement, au bout d'un moment qui lui sembla durer des lustres, tout devint moins flou autour de lui, les choses prirent des contours de plus en plus précis. Jusqu'à ce qu'il se rappelle enfin où il se trouvait.

Hachiko se tenait debout dans un camion de transport qui roulait vers son destin.
Il se souvint de la rudesse de ses anciens propriétaires, et du sourire navré de son dernier acquéreur. Mais où il allait, il n'en avait pas la moindre idée.

Tandis que mille et une questions se bousculaient dans la tête du jeune hongre, le véhicule avait couvert une longue distance et finit par s'arrêter plus ou moins brutalement dans un crissement de plaquettes de freins usées et un grincement de ferraille rouillée.

Surpris par cet arrêt inattendu, Hachiko bascula un instant, avant de se stabiliser à nouveau. Le corps dépourvu de muscles du hongre était trempé de sueur, celle-ci s'étalant en plaques sombres sur la robe baie dont le poil commençait à s'épaissir. Soudain, la lumière surgit derrière Hachiko ; on avait ouvert la porte.

Le cheval eut un mouvement de panique. Ses yeux roulèrent dans ses orbites et sa respiration se fit saccadée, forte. Mourir de trouille, Hachiko comprenait parfaitement le sens de cette expression chaque fois qu'un être humain s'approchait de lui. Et c'était actuellement le cas.

Mais les restes des sédatifs qu'on lui avait administré se trouvèrent plus forts que cette phobie irrationnelle qui avait conduit Hachiko jusqu'ici, sans qu'il le sache. Aussi, ce fut tremblant comme une feuille dans la brise automnale que le cheval descendit du camion.

* Mon Dieu.. Que vont-ils me faire ? *